"Le film ne marchait pas bien en salles" : il y a 49 ans, cette légende du cinéma français a connu un échec retentissant mais a remporté un Oscar !
Aude Mackau
Aude Mackau
Passionnée de cinéma, Aude a grandi dans les salles obscures tout en tombant amoureuse des séries à côté. Jonglant entre le petit et grand écran, elle se spécialise désormais dans tout ce qui fait l'actualité, de l'anecdote du passé à la dernière info sensationnelle à relayer.
Co-écrit avec :
Olivier Pallaruelo

Jean-Jacques Annaud revient sur les débuts difficiles de “La Victoire en chantant”, son film primé aux Oscars mais ignoré en France. Il n’a jamais vu la statuette, récupérée par son coproducteur après une douteuse manipulation...

PacificPressAgency / Bestimage

Quand Jean-Jacques Annaud raconte ses débuts au cinéma, on découvre des anecdotes aussi passionnantes qu’authentiques. Son tout premier long métrage, La Victoire en chantant, en est un exemple frappant. Malgré son Oscar en 1977, Annaud confie n’avoir jamais réellement profité de cette récompense.

Écouter des cinéastes célèbres revenir sur leur parcours est toujours fascinant, surtout quand ils ne cherchent pas à enjoliver la réalité. Jean-Jacques Annaud est l’un de ces rares réalisateurs qui s’ouvrent sans détour, que ce soit lors de masterclass comme celle qu’il a donnée à Lyon en 2023 ou dans de longs entretiens, à l’image de celui qu’il a accordé au magazine Les Années Laser en mai 2024.

La Victoire en chantant
La Victoire en chantant
Sortie : 21 octobre 2013 | 1h 30min
De Jean-Jacques Annaud
Avec Jean Carmet, Jacques Dufilho, Catherine Rouvel
Spectateurs
3,3
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En 1976, Jean-Jacques Annaud sortait son premier film, La Victoire en chantant. L’idée lui était venue d’un récit historique sur le Cameroun, écrit par un ecclésiastique, comme il l’a expliqué.

J’en ai puisé l’idée dans une Histoire du Cameroun écrite par un ecclésiastique, qui racontait comment un général allemand avait résisté dans un petit village au nord du pays aux assauts des Français et des Anglais durant la Première Guerre mondiale.

Mais la production ne fut pas simple : le montage financier s’est avéré compliqué, “notamment en France où Claude Berri m’avait affirmé, je le cite, ‘que les films de nè****, ça n’intéresse personne’.

Finalement, le tournage a eu lieu en Côte d’Ivoire, avec une équipe en grande partie locale.

Une victoire choc et un prix qu’il n’a jamais vu

Le choc fut total quand le film remporta l’Oscar du Meilleur film étranger en 1977. Un triomphe qui venait atténuer l’échec cinglant rencontré en salles françaises, où moins de 175 000 spectateurs étaient venus voir le film. Lors de sa masterclass à Lyon, Annaud avait même lâché : “Mon film a été un bide monstrueux en France, à la grande jouissance de mes confrères”, soulignant l’absence de soutien de ses pairs dans le milieu.

Quant à la célèbre statuette, Jean-Jacques Annaud avoue ne jamais l’avoir vue de près. Le jour où le film a gagné, il était à Paris, pas à Los Angeles. Son coproducteur suisse, Arthur Cohn, avait en effet laissé croire aux Américains qu’Annaud était noir, pensant que cela pourrait aider le film. Une idée assez incroyable, quand on y pense.

Quand il a remporté l’Oscar, j’étais chez moi, à Paris et non à Los Angeles, car mon coproducteur suisse, Arthur Cohn, avait entretenu auprès des américains l’idée que j’étais noir, et que ça aurait selon lui nui au film s’ils avaient su que j’étais blanc.

En quelques heures, pourtant, le statut du réalisateur a complètement basculé : “Toujours est-il que je suis devenu en quelques heures un type formidable doublé d’un cinéaste génial, y compris aux yeux de Claude Berri et de mon épouse qui était en train de me quitter de façon tout sauf amiable. La veille, elle me balançait : ‘Tu t’es bien planté mon pote !’ parce que le film ne marchait pas bien en salles.

Pour finir, il a conclu avec une pointe d’humour amer : “Quant à l’Oscar, je ne l’ai jamais vu. Il doit être sur le bureau d’Arthur Cohn.

Porté par des acteurs remarquables comme Jean Carmet, Jacques Dufilho et Catherine Rouvel, La Victoire en chantant – aussi connu sous le titre Noirs et Blancs en couleurs – est une satire féroce de la colonisation française. Le scénario a été co-écrit avec Georges Conchon, célèbre auteur et prix Goncourt, qui avait lui-même vu son roman adapté au cinéma quelques années plus tard.

Si vous souhaitez honorer le film, La Victoire en chantant est à retrouver en VOD.

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